Bénédicte Heindrichs
Les 5 défis prioritaires définis par le collège sont- ils les bons ?
On peut partager les défis identifiés mais force est de constater qu’il n’y a pas de démarche stratégique développée pour chacun d’entre eux.
Heureusement, le Liégeois veille. A travers leurs réponses, ce sont les citoyens qui nous montrent la voie, à travers la désignation d’objectifs quantifiables et opérationnalisables à l’échelle d’une dizaine d’années.
Une ville propre
La ville est sale. Très sale. Malgré un budget en constante augmentation et un renforcement des dispositifs. Ça énerve tous les liégeois, ça frappe l’esprit des visiteurs. Faisons-en LA priorité. Ce n’est pas glamour, mais en tout cas ca démontrer qu’on a les yeux en face des trous. Avec un plan d’action incluant tous les acteurs et des objectifs à atteindre. Nous n’avons pas de moyens : soyons pragmatiques et concrets. Ce sera bon pour l’image de la ville et son développement touristique ; ce sera bon pour la cohésion sociale et la qualité de vie de tous. Et peut-être même qu’on dégagera à terme des moyens à réinvestir ailleurs.
Une ville verte
Nous vivons en ville. La densité, nous liégeois, nous la connaissons. Avec ses qualités et ses défauts. Plus que partout ailleurs dans la province. Décréter plus de densification pour réponde au défi démographique, sans mesures d’accompagnement… c’est périlleux… Heureusement que le citoyen est là pour remettre à nouveau les yeux du collège en face des trous : densité oui. Mais pas sans des espaces publics de qualité. Ce n’est pas parce qu’on habite les uns sur les autres en ville qu’on n’a pas droit, envie, besoin d’ espaces verts, de qualité, de loisirs, de détente, de nature. Alors opérationnalisons le PCDN, investissons dans de nouveaux parcs, garantissons des espaces de détente dans chaque quartier de la ville.
Prenons l’exemple du parc Astrid : ce sont les habitants qui actuellement en assurent la gestion : organise des ramassages de dépôts clandestins, revendiquent des aménagements,… le parc Astrid, c’est ce que veut le citoyen : un espace utile, pensé pour et avec les citoyens. On n’exige pas du politique qu’il importe une création de toute pièce imaginée par un promoteur comme l’envisage l’étude du GRE soumise à la CCATM. Non, les usagers du parc Astrid, de cointe, de la chartreuse, ils sont très raisonnables : ils veulent que la ville se donne les moyens d’avoir un maillage de parcs sympa et délassants. Ça, c’est un défi. Le collège n’est pas au diapason de la population en proposant seulement de consulter les citoyens sont le nombre et la taille des balançoires d’un square à créer.
Une ville ancrée dans ses quartiers
On ne vit pas à Grivegnée comme on vit en Pierreuse. Le Liégeois est un citoyen actif. Il réclame et veut participer à la gestion de la cité depuis la nuit des temps. Le perron est là pour nous le rappeler à chaque fois que nous entrons dans l’Hôtel de ville. Le Liégeois a raison. Liège ne respire pas qu’à travers son centre-ville. Liège ne se déploiera pas sur le nombre de centres commerciaux qu’elle peut offrir. C’est la vieille recette et elle ne marche pas. Liège est une ville où on habite, où on travaille, où on fait ses courses et où on se détend. D’une manière générale les quartiers périphériques n’existent pas dans la stratégie projet de ville qui n’existe pas.
En fait le futur de Liège se réussira dans ses quartiers « hors centre » quand le Nord, Droixhe-Bressoux et St. Léonard-Coronmeuse qui seront devenus des eco -quartiers devenus agreables à vivre et de fières entrées de ville comme le sera le Val Benoît, Sclessin et le Quartier de la Gare. Mettre en place une véritable politique des quartiers, dotée de moyens, ça c’est un défi. Bon pour le développement de la ville, la cohésion sociale et le défi démographique.
Une ville douce et mobile
Le principal dossier des prochaines années, celui qui va changer profondément le visage de Liège, c’est le tram. Mais pas seulement. A nouveau le liégeois ne s’y est pas trompé. Dérouler le ruban du tram à travers la ville n’a pas de sens sans influence forte de notre manière de bouger.
C’est en faisant une large place à la mobilité douce qu’on réussira le pari d’une ville où chacun peut se déplacer demain quand le pétrole sera trop cher.
- Un large piétonnier :
Le projet de ville parle d’un élargissement. On n’en est plus là : nous proposons les contours suivants : progressivement et en concertation, dans un périmètre compris entre les quais de la Meuse, le Boulevard de la Sauvenière et la Rue Leopold.
- Le parcage :
10 ans qu’on attend les parcs relais. Ecrire qu’on va les faire, c’est croire que le Liégeois a la mémoire d’un poisson rouge. Ecrivons la date de réalisation et donnons mission au président du Tec ci-présent de mettre le dossier en priorité .
Par ailleurs, si on suit le texte du Collège en l’état, Liège sera la seule ville au monde a faire des parkings relais en Centre-Ville. Les parkings souterrains sont une hérésie alors même qu’on réintroduit le tram. En plus le Collège s’entête à faire quelque chose dont les Liégeois ne veulent pas. Du parking oui : riverain, de dissusion, de chargement,… personne ne nous demande de construire des places de parkings qui coutent la moitié d’un logement social !
- Des bus qui roulent pour tous, au bon moment.
Réorganisation des lignes : fini de rire, qu’on donne mission au Président des TEC de faire en sorte que le projet avance au bénéfice de tous. Pour la mobilité étudiante : bus de nuit et des vélos « Student and Mobility ». De plus, il faut renforcer l’équipe « mobilité ».
Une ville internationale
Liege Expo fut un vecteur concret d’accélération du changement à Liège. Il a par ailleurs démontré que les liégeois sont capables de se fédérer et de se mobiliser pour un projet qui dépasse les intérêts partisans à l’échelle de l’agglomération. Le Liégeois ne s’y est pas trompé et réclame la redéfinition d’un projet. En clair, il demande des avancées concrètes sur la constitution d’une agglomération. Le collège, Bourgmestre en tête a promis que cela serait sa priorité. Pas une occurrence dans le projet de ville. Or Liège est cœur d’agglo, mais sans le pouls qui bat dans les artères des 24 communes de l’agglo, point de salut.
« Du rock et du boulot » disait L. Toussaint, le cri n’a pas perdu en acuité. Liège est vecteur de développement économique et nourri 100 000 ménages. On peut et on doit faire mieux. Pour répondre à la crise, les villes sont au premier rang. Baïonnette au poing. Qui mieux que nous ici ce soir savons que si on ne veut pas tomber les armes à la main, il faut une profonde remise en question de nos moyens de production, faire plus avec moins ? Le nombre de familles jetées dans la précarité augmente. Des villes à travers le monde sont en cessation de paiement. Faire le gros dos et attendre que ça passe? Le collège l’a fait. Où cela nous a-t-il menés? La semaine prochaine, on votera le budget. 40 millions trop court. La transition écologique est une nécessité.
Les projets métropolitains : le nécessaire lien
Pas de liste de course, pas de promesse. Tout est toujours en retard, en surcout. On ne peut pas pour une fois être un peu moins dans la caricature du Liégeois mégalo au centre du monde. La transition écologique c’est de faire des liens, de jouer sur les complémentarités. En lieu et place de 12 projets, on ne pourrait pas dessiner la ville à partir de ses ressources et proposer une vision d’avenir raisonnable à laquelle on peut croire?
Exemple : le Collège ne met pas dans ses projets prioritaires la place Xavier Neujean. Pourtant, cet espace pourrait devenir un formidable pôle de vie culturelle et partant économique : on a la une pépite à tailler et une opportunité formidable, cette place est à proximité immédiate du Carré bénéficie:
- de la présence du cinéma Sauveniere,
- de l’ouverture prochaine du Mnema,
- de la rénovation de l’ORW,
- de la construction des nouveaux auditoires de l’ULg qui vont accueillir quotidiennement plusieurs centaines d’étudiants ,
- d’une librairie dynamique et de la présence des bureaux du CRIPEL.
Voilà un lieu où l’autorité publique ne doit pas rater le coche dans les 10 prochaines années. Sincèrement, un nouveau quartier à Bavière, qui y croit encore? Et s’il vient, ce ne sera pas grâce à la vision d’avenir contenue dans le projet de ville, mais le fruit d’un savant calcul économique du promoteur.
Quentin le Bussy
Dans le bouleversement des objectifs stratégiques entre la version récemment présentée et celle-ci, permettez-moi de formuler quelques remarques en lien avec des sujets qui me tiennent à cœur : le commerce et la politique étudiante.
En ces matières, le Collège ne manque certes pas d’intentions, mais peine à les traduire en ambitions !
Politique étudiante :
C’est à mon sens une des grande absente de ce projet de Ville en ce sens qu’elle n’est pas consacrée en tant que telle, même si elle est évoquée ici et là sous ses différents aspects, notamment celui de la Salle, même si l’expérience me porte à ne plus croire qu’aux actes, non aux intentions. Ainsi la participation citoyenne des quelques 40.000 étudiants liégeois reste-telle sous le boisseau, alors que voilà de jeunes gens liégeois de toujours ou qui le deviennent de cœur, s’y installent et y font souche ou s’en retourne dans leur Province ave un petit bout de Perron au cœur. Qu’ils soient nos futurs citoyens ou nos futurs ambassadeurs, faute de recueillir leurs votes, sachons les entendre et organisons-nous pour cela !
Patrimoine, Mémoire, Commerce :
L’historien amoureux de patrimoine que je suis se réjouit du 12e projet métropolitain qui fait la part belle à nos Monuments remarquables. Je ne puis néanmoins m’empêcher de remarquer l’absence, dans les projets prioritaires, de lien entre patrimoine et animation commerciale d’une part ; patrimoine et mémoire d’autre part.
De nombreuses villes d’histoire et au riche patrimoine se demandent comment faire venir les touristes, notamment du dimanche et Liège, elle, dispose avec la Batte d’une extraordinaire pouvoir d’attraction dominical, en plus de la richesse de son Histoire. Transformer cette potentialité en atout, en faire le levier d’une politique touristico-commercialo-patrimoniale me semble un défi certes ardu, mais ô combien exaltant !
De 2014 à 2018 nous commémorerons le conflit qui ouvrit le 20ème siècle dans le sang. Liège y joua un rôle glorieux et présente, en termes de potentiel d’internationalisation de la Ville, de son image, de son passé, une série d’atouts pour en faire un grand moment d’éduction populaire, de tourisme et une réussite culturelle dont nous pourrons nous montrer fiers.
Guy Krettels
Si la première version de la DPC présentée par le Bourgmestre en février mettait encore bien en évidence dans ses 5 « Objectifs stratégiques » le nécessaire accompagnement des Liégeois-es « face à la difficile réalité socio-économique » (objectif n°1), ainsi que « L’égalité de traitement pour favoriser le Vivre-ensemble » (objectif n°4), ces accents sociaux et interculturels forts et prioritaires -inspirés sans doute de la nette poussée de la gauche lors des dernières élections communales à Liège- ont été beaucoup moins retenus par les auteurs du Projet de Ville.
Subitement les 5 objectifs stratégiques ont changé (et on attend avec curiosité et crainte ce que la version définitive de la DPC nous réservera!) : En effet, le premier objectif stratégique concernant « l’aide des citoyen-nes, en luttant contre l’augmentation du coût de la vie »est passé à la trappe dans le projet de Ville ! Tout comme c’est apparemment le cas du Plan communal de Lutte contre la Pauvreté! Par ailleurs de nombreux acteurs sociaux liégeois attendent avec angoisse et impatience les perspectives du Plan de Cohésion Sociale liégeois (quid pour 2013 et surtout pour le nouveau Plan général 2014- 2019?). Ne parlons même pas ici des défis qui attendent le CPAS avec des moyens réduits (notamment par la dotation communale bloquée à une indexation de 1,5% , mais avec des missions accrues !
Et pourtant, les indicateurs sociaux ne justifient pas l’extrême tiédeur du projet de ville en matière sociale, en matière interculturelle, ainsi qu’ en matière de santé
Multiculturalité/ Interculturalité
Le Vivre-Ensemble, tant évoqué, concerne bien sûr la vie dans les quartiers, l’intergénérationnel, les conditions d’une convivialité accrue, mais commment ne pas penser avec force à la dimension interculturelle. Avec sa tradition d’accueil, ses 160 nationalités en présence, son associatif issu de l’immigration, Liège a jusqu’à présent plutôt bien résisté à la communautarisation rampante qu’on observe un peu partout et à l’exaspération des tensions et la résurgence d’attitudes et comportements racistes décomplexés.
Nous pensons qu’il est temps de poser un acte fort via un projet ambitieux et enthousiasmant pour reconnaître et faire rayonner fièrement notre multiculturalité comme une richesse constitutive de notre identité liégeoise ;
Ajouter un 13è Projet métropolitain sous la forme soit d’un « Musée de l’Immigration et de la Multiculturalité » ou « Maison des Cultures » (demandé depuis longtemps en Communauté Française), nous semblerait tout à fait adéquat à ce sujet.
Santé
Liège dispose désormais d’un Echevinat consacré à cette seule matière en outre de celle concernant la jeunesse. A la tête un Echevin médecin, et donc surement compétent en la matière. Hélàs il apparaît que le budget alloué à cette matière serait de 18000 euros par an !!?
Ce budget rikiki n’empêche néanmoins pas la mise en route d’un projet politique ambitieux immédiat et en phase avec les réalités et les atouts de notre Ville :
Un Conseil communal de la Santé mentale visant à réunir et à soutenir les différents acteurs à concevoir une politique concertée en cette matière valoriserait l’expertise des professionnels du secteur et permettrait de coordonner les politiques menées en la matière par les différentes institutions.
Social
Nous proposons de mettre en adéquation de le projet de Ville avec des discussions déjà tenues en ces lieux et d’autant d’approbations générales : le soutien renforcé aux écoles de devoirs, un effort accru dans les cours de français langue étrangère à destination des primo-arrivants et enfin la création d’un fond de caution locative pour permettre un accès plus simple au logement.
Bénédicte Heindrichs
Conclusions
Un projet rassembleur, mobilisateur, N’est-ce pas le fondement d’un projet de ville ? Dire où on va, comment et avec qui ? Ma fille Olivia a aujourd’hui 10 ans. « Quel est le Liege expliqué à ma fille » qui ressort du projet de ville ? Quand elle en aura 20, aura –t-elle envie de vivre et de s’investir dans une ville comme Liège ? Vu d’ici, je ne le crois pas. L’avenir promis par le collège n’est pas engageant. On lui promet des parkings de dissuasion dont elle entend parler depuis qu’elle est née, on lui promet que les services énergie vont se parler pour diminuer la facture énergétique et elle sait déjà que construire des bâtiments scolaires primaires pour qu’elle étudie dans de bonnes conditions, c’est de la foutaise. Si Pouet Pouet, c’est son surnom, a deux sous de jugeotte, elle passera de temps en temps à Liège pour faire la bise à sa mère et repartira vivre dans une ville qui aura su négocier le tournant du 21ème siècle.
Il nous reste 10 ans. 10 ans pour changer la vi(ll)e.
