M. le Bourgmestre,
Nous avons pu prendre connaissance dans la presse puis par voie de communiqué de nouvelles dispositions concernant le Carré. Ceci fait suite je pense aux évènements de l’été passé et à la prise en compte des problèmes réels touchant ce quartier cher aux liégeois et pour laquelle j’étais intervenu lors de notre séance du 9 septembre 2013.
Plusieurs niveaux de lecture et d’analyse peuvent être réalisés pour ce document qui nous est proposé aujourd’hui au vote. On peut en effet constater dans le préambule au règlement que vous nous soumettez que les différentes dimensions du problème actuel ont assez bien été prises en compte : salubrité, impacts de santé pour le jeune public particulièrement, sécurité des clients et commerçants diurnes comme nocturnes, travail des services communaux et notamment de la Police, etc… Cela consacre également le Carré comme un lieu spécifique, à l’orientation fonctionnelle explicite et qui mérite une prise en charge, dont nous pouvons donc déjà lire les prémisses. Nous pouvons donc nous montrer heureux de ce premier train de mesure adopté finalement assez rapidement (six mois de travail), même s’il reste beaucoup à faire.
Au rayon des satisfactions, nous pourrons noter la collaboration notable des autorités communales avec le secteur HoReCa et la structuration de celui-ci en une asbl : ça faisait longtemps qu’un dialogue de ce type était nécessaire et voilà qu’il advient, dont acte. En revanche, quelles ont été les contacts avec les commerçants diurnes très présents également dans le Carré ? Quels moments ou lieux ont été prévus pour recueillir la parole des habitants du quartier (car il y en a !) ? Des contacts ont-ils été pris avec les magasins de nuit dont l’activité sera réduite d’autant par ce règlement ? En la matière et pour ces autres usagers quotidiens, nous attendons quelques précisions.
Nous pensons, écologistes, que c’est en prenant aussi en considération les aspirations de ces intervenants, qu’on pourra arriver à une véritable dynamique, un véritable « projet de quartier » en tant que tel pour une zone si symbolique…
Vision à 15 ou 20 ans, urbanisme, habitants, intégration dans le « grand piétonnier » que les liégeois attendent, que nous appelons de nos vœux et qui est aujourd’hui à l’état embryonnaire (rue de la Casquette, Place Xavier Neujean… en attendant la suite), aménagement de la circulation (fournisseurs et brasseurs, services de nettoyage…). Ce projet de quartier, avec tous ces acteurs concernés orchestrés par la Ville, reste à écrire.
En termes opérationnels, il se pose davantage de questions même si nous ne jouerons aujourd’hui les esprits chagrins, nous ne sommes pas à La Cour : ni plaidoyer, ni réquisitoire. Ainsi l’une des disposition-phare de ce règlement, celui sur l’usage de gobelets en matériau « souples ou semi-rigides » relève essentiellement du bon sens et de la sécurité des personnes, mais quelle sera la pérennité du dispositif ? Sont-ce les commerçants ou la Ville qui y pourvoira à long terme, à quel coût et ces derniers feront ils l’objet d’un flocage spécifique (ajoutant un signe de reconnaissance de bon aloi) ?
Toujours en ce qui concerne la continuité des dispositions, quelle sera l’instance qui monitorera le suivi du règlement, qui évaluera les dispositions et mènera une concertation de long terme avec les personnes concernées : Bureau Administratifs de Police, équipe spéciale pluridisciplinaire mise en place par vous, M. le Bourgmestre ?
Pour ce qui concerne les mange-debout, qui sont appelés à remplacer les terrasses actuelles, l’asbl HoReCarré compte-t-elle synchroniser voire uniformiser leur format et couleurs (pour éviter une image criarde voire tape-à-l’œil – ceci dans la droite ligne des tests déjà effectués notamment Place du Marché ? Sinon c’est « premier arrivé premier servi », une sorte de petit far-west qui ne dirait pas son nom et ce serait, je pense, une occasion manquée.
Un dispositif est-il prévu pour les manifestations occasionnelles qu’elles soient ponctuelles (pensons à la Coupe du Monde de football de l’été prochain…) ou récurrentes (St Nicolas, St Torè, Nouvel An… par exemple). Si les liégeois veulent soutenir nos Diables à-fond, comme ils le souhaiteront vraisemblablement, le dispositif sera-t-il par exemple adapté ?
La question du pavage et du jointoiement des rues fera-t-elle l’objet d’une attention spécifique, à savoir une rénovation, eu égard à son importance en termes de sécurité mais aussi d’entretien ? Idéalement en été, période creuse pour les établissements concernés ? A la moindre averse ou l’heure avançant, c’est l’embuscade et les risques de chutes décuplés.
Dans une optique de santé publique et de prévention, quelles sont les dispositions complémentaires envisagées ? L’extension du label Quality Night à tous les cafés ne serait-elle pas un bon signal, de même que l’organisation ponctuelle d’actions de sensibilisation aux drogues et assuétudes par des associations de terrains spécialisées (comme il s’en fait en discothèque, dans les festivals…). C’est une évidence que je n’enfoncerai pas telle une porte de saloon : aux côtés d’une juste et mesurée répression, toutes les formes de préventions doivent également être proposées – sinon toutes en même temps, au moins en alternance.
La mobilité, thème souvent épineux à Liège, devrait selon nous faire partie intégrante du dispositif tel que nouvellement prévu : actions BOB sur la voie publique, présence des RYD en certaines occasions et action concrète vis-à-vis de TEC en vue de l’établissement de bus de nuit les week-ends et veilles de jours fériés. Ceux-ci sont à l’aube d’une refonte globale de leur offre, il conviendrait de leur souffler que des bus de nuit (quelques lignes, actives entre minuit et 4-5h) ne doivent pas être une possibilité, une variable, mais bien une donnée-clef de la nouvelle offre qui se concrétisera avec l’arrivée du tram. C’est aussi un élément de sécurité ! Qu’on songe aux actualités parfois tragiques des infos du lundi. ..
Moins anecdotique qu’on ne peut le croire, se pose aussi la question de l’urbanisme, du patrimoine et du folklore. La réaffectation de bâtiments laissés vides doit être une priorité car ces façades enlaidissent le quartier, nuisent à son attractivité et à sa réputation. Au cœur d’un des plus vieux quartiers de Liège, de nombreuses bâtisses valent le coup d’œil et certaines sont classées voire versées au patrimoine Wallon : leur reconversion doit faire l’objet d’un plan d’ensemble. La rue Saint Jean-en-Isle abrite la stèle de Sébastien Laruelle, Bourgmestre liégois du parti des Grignoux mort pour les libertés civiles, (je gage que cela puisse vous parler M. le Bourgmestre…), la rue d’Amay l’ancien « Seigneur » du même nom… même Notger a récemment pris ses quartiers rue Tête-de-Boeuf ! A deux pas du centre géographique de la Ville, dans son singulier plan des rues, la culture et le folklore estudiantin qui s’enracinent, s’y développent, se réinventent, et font du Carré un lieu de fête aujourd’hui, mais pourquoi pas demain également de tourisme, de visite, de culture… Balades commentées, visites virtuelles ou en réalité augmentée, plaques d’informations touristiques feraient le bonheur des badauds et chalands, piétons en goguette visitant le nez en l’air en attendant l’heure du souper, puis allant s’encanailler à l’aventure dans les bars et tavernes tout proches, agrémentant leur sortie d’un zeste d’imprévu !
C’est une belle dynamique qui est lancée, dont nous serons de scrupuleux observateurs et de constructifs aiguillons. Le Carré n’est pas une vieille guimbarde dont on prend soin par obligation, c’est aussi et surtout une institution qui doit se remettre dans le sillage de ses succès passés, gravissant, une marche après l’autre, l’escalier de la réussite : nous lui souhaitons un aller simple vers plus de convivialité, de sécurité, de prospérité et de… fêtes endiablées.
Quentin le Bussy
Conseiller Communal